lundi 26 avril 2021

Compte rendu - CSE Médico-Social Enfance & Adulte du 22 Avril 2021

Menaces publiques de coup d'État militaire : la CGT appelle à la vigilance et exige une enquête approfondie


Le 21 avril dernier, date anniversaire de la tentative de putsch des généraux pendant la guerre d'Algérie et de la première qualification de l'extrême droite au second tour de la présidentielle, le site du journal d’extrême droite Valeurs actuelles a publié un texte, signé par 20 anciens généraux, concluant sur une menace de coup d’État militaire.

Enjoignant le gouvernement à faire preuve de plus de fermeté à l’égard d’ « un certain antiracisme », « de l’islamisme et des hordes de banlieue », cet appel décrit un pays qui serait au bord de la guerre civile et se termine sur une menace d’intervention des forces armées « dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national ».
Ce texte est cosigné par plus d’un millier d’autres personnes dont les noms ont été publiés avec leurs grades militaires.
Vendredi 23 avril, la présidente du Rassemblement national (RN) a salué le « courage » des auteurs de cette lettre ouverte et les a appelés à la rejoindre, dans le cadre de sa campagne présidentielle.
Ce n’est que dimanche 25 avril, dans la soirée, que la ministre de la Défense a réagi, qualifiant ce texte séditieux d' « irresponsable » et en  minimisant sa portée, au motif que cette initiative serait limitée à des militaires retraités.
Pour la CGT, cette menace publique de putsch revêt un caractère d’une exceptionnelle gravité. La neutralité de l’armée et sa subordination au pouvoir civil sont des principes républicains avec lesquels il ne peut être question de transiger. Les forces armées ont un rôle de défense et de maintien de la paix et ne doivent, en aucun cas, intervenir dans la vie politique. La réaction de la présidente du RN confirme d’ailleurs combien son idéologie est antinomique des fondements de notre République.
Le développement des thèses d’extrême droite au sein des forces armées appelle une réaction forte.
Cette affaire confirme la nécessité de renforcer le contrôle citoyen des domaines touchant à la défense. La CGT souligne, à ce propos, que le Conseil supérieur de la réserve militaire, au sein duquel elle siège, n’est plus réuni à la fréquence prévue par les textes. Il s’agit pourtant d’un lieu essentiel d’intervention citoyenne et de l’indispensable lien Armée-Nation. C’est à ce même titre que la CGT se prononce pour que le droit à la syndicalisation dans un cadre confédéré soit reconnu pour les militaires.
Les autorités exécutives et judiciaires doivent d’urgence diligenter les enquêtes et procédures qui s’imposent concernant ce réseau subversif d’extrême droite, ses possibles ramifications au sein des forces armées et ses liens avec des forces politiques, au premier rang desquelles le Rassemblement national.


Fidèle à son combat pour la démocratie, indissociable de la lutte pour la défense des intérêts des travailleuses et travailleurs, la CGT appelle à la vigilance et à poursuivre les mobilisations contre le racisme et les idées d’extrême droite.

Montreuil, le 26 avril 2021

Filière Social Enfance : Avis sur les Rapports d'Activité 2020

samedi 10 avril 2021

"Entre la finance et l’action sociale, l’écart des salaires est abyssal"

Article de la NVO


9 avril 2021 | Par Christine Morel

Une note de l'Insee rappelle l'importance des écarts de salaires et l'envolée des inégalités en France. Les cadres de la finance ou des télécoms, décrochent la timbale quand travailler au bien-être de son prochain, dans le social ou la restauration, ne paie vraiment pas. Gros risques de conflits sociaux. 

Le phénomène ne date pas d'hier mais à force d'être comprimés les salaires pourraient bien revenir au centre des revendications syndicales dans l'après-Covid-19. Le sujet monte déjà chez ceux qui ne s'en sortent plus ou estiment être financièrement maltraités.

Le 8 avril 2021, des entrepôts Carrefour ont été bloqués ou perturbés par des employés qui réclament des augmentations de salaires ; les « Oubliés du Ségur de la santé », salariés du secteur social et médico-social, ont manifesté pour réclamer la revalorisation salariale de 183 euros nets par mois accordée au agents hospitaliers ; les AESH (accompagnateurs d'enfants en situation de handicap) ont également battu le pavé pour exiger une évolution de leur statut et de leurs salaires qui les maintiennent dans la précarité.


D'écarts de salaires en décrochage salarial

Certes, les dernières données de l'Insee sur les salaires dans le privé et les entreprises publiques, publiées ce jeudi 8 avril 2021, n'apportent rien de neuf sur la question. Toutefois, elles rappellent une réalité qui s'est aggravée avec la crise sanitaire : en France, les écarts se creusent. En 2018, le salaire brut en équivalent temps plein (ETP), atteint en moyenne 37 644 euros et la moitié des Français gagnent moins de 29 536 euros annuel ETP, niveau du salaire médian brut annuel.

Mais les 10% de salariés les moins rémunérés (1er décile) gagnent trois fois moins que les 10% de salariés les mieux rémunérés (9e décile), soit, respectivement, 20 018 euros et 60 869 euros brut par an ETP. Si cela représente approximativement le SMIC pour les plus bas salaires, c'est parmi eux que se recrutent essentiellement les temps partiels (liés à la flexibilisation du travail) : 33% des employés sont concernés et souvent le subissent (voire enchaînent les contrats courts) contre 9,7% des cadres et professions intellectuelles supérieures. Plutôt que d'écart salarial, c'est de décrochage qu'il convient de parler.


Hôtellerie-restauration, action sociale et médico-social : des salariés au service de tous mais les plus mal payés

L'Insee détermine que « les quatre secteurs où les salaires sont les plus élevés sont les services financiers, la production et distribution d'énergie, les télécommunications ainsi que la recherche-développement » : 31 euros brut de l'heure, soit « plus d'une fois et demie la moyenne de l'ensemble des secteurs (20,3 euros) ».

De fait, les emplois y sont plus qualifiés avec 75 à 89% de cadres et de professions intermédiaires en ETP, soit deux fois plus que dans l'ensemble des emplois du secteur privé (41%). À l'opposé, c'est dans les secteurs de l'action sociale, du médico-social et de l'hébergement-restauration – où les ouvriers et les employés sont nettement plus nombreux que dans l'ensemble du secteur privé (67% à 84% contre 59%) – que les salaires sont les plus bas : entre 14 et 16 euros brut de l'heure.

Outre le fait que ce sont les salariés qui sont au service de tous – aident ou rendent la vie plus facile – qui sont les plus mal payés, il faut noter que les écarts ont de nouveau tendance à se creuser au cours de la période récente : les salaires des cadres progressent plus vite (2,7% en 2018 ; 2,4% en 2019 ; 2,3 en 2020 selon le baromètre Expectra) que le SMIC (1,2% en 2020 ; 0,99% en 2021).

Sur le temps long (1996-2018), une autre étude de l'enquête salaires de l'Insee publiée aujourd'hui 9 avril, montre notamment qu'« après avoir baissé entre 1996 et 2009, les disparités salariales ont légèrement progressé depuis ».


Déjà source de conflits sociaux, les revendications salariales pourraient enfler dans l'après-Covid

Concrètement, parmi les salariés les plus mal payés on peut citer l'exemple des femmes de chambres de l'hôtel Ibis Batignolles , travailleuses précaires, qui le 7 avril 2021 étaient convoquées devant le conseil de prud'hommes pour une audience de conciliation.

En grève depuis plus de vingt mois elles réclament, entre autres choses, le paiement de leurs heures supplémentaires et de ne plus être payées à la tâche. Dans le social et le médico-social, ce sont les « Oubliés du Ségur » de la santé qui manifestaient jeudi 8 avril 2021 et qui, outre la question salariale, ont rappelé qu'ils « dénoncent depuis de nombreuses années la dégradation de leurs conditions de travail et l'impact de cette situation sur la qualité des accompagnements des mineurs et de leurs familles ».

Ce sont aussi les aides à domicile mais aussi, bien qu'ils dépendent de l'Éducation nationale, les AESH : malgré les promesses faites il y a un an d'engager les discussions sur leur temps de travail et leurs rémunérations, ces personnels continuent de subir des périodes de travail incomplètes (vingt-quatre heures hebdomadaires) pour un salaire net de 760 euros par mois, alertent les syndicats. Or, il occupent pourtant « une fonction essentielle à l'école ». 


L'Insee, note que « le salaire horaire brut augmente avec la taille de l'établissement ». Ce que l'on peut probablement traduire par : plus les salariés sont nombreux, plus ils peuvent s'organiser et… obtenir des augmentations. 

 


 



mercredi 7 avril 2021

Vaccination pour les salarié.e.s du social et du médico-social : le point juridique

Les éléments juridiques sur la vaccination contre la Covid-19 pour les salariés du secteur sanitaire, social et médico-social
7 avril 2021

Concernant l’approche juridique de la vaccination des salariés contre le Covid-19, il est important de préciser qu’à ce jour, la vaccination contre le virus de la COVID-19 n’est pas obligatoire, y compris pour les salariés du secteur sanitaire, social et médico-social public ou privé. Ce choix relève de la seule décision des salariés.

Dès lors, c’est le principe du libre consentement aux soins médicaux qui s’applique pour tout agent, salarié ou étudiant qui, pour des raisons qui lui appartiennent, souhaiterait, ou non, se faire vacciner.

Le principe du libre consentement aux traitements
L’article L. 1111-4 du code de la santé publique prévoit en effet que « toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement […] » (alinéa 2) et qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » (alinéa 4).

Toutefois, la mise en place d’une obligation vaccinale contre le virus du SARS-COV-2 pour les personnels de santé ne peut être écartée juridiquement par la publication d’une éventuelle disposition législative à venir.

Les vaccins obligatoires en dehors des salariés du secteur sanitaire
Outre les vaccinations recommandées, certains vaccins sont déjà obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, parmi lesquels :

Les vaccins qui s’imposent à tous les enfants nés à compter de 2018 (v. article L. 3111-2 du CSP) : les vaccinations antidiphtérique, antitétanique, antipoliomyélitique, contre la coqueluche, contre les infections invasives à Haemophilus influenzae de type b, contre le virus de l’hépatite B, contre les infections invasives à pneumocoque, contre le méningocoque de sérogroupe C, contre la rougeole, contre les oreillons et contre la rubéole ;
La vaccination contre la fièvre jaune « pour toute personne âgée de plus d’un an et résidant ou séjournant en Guyane » (article L. 3111-6 du CSP) ;
Le vaccin contre l’hépatite B pour les thanatopracteurs en formation pratique et en exercice (article L. 3111-3 du CSP)
 
Les vaccins obligatoires pour les salariés du secteur sanitaire et social
Pour le secteur sanitaire : L’article L. 3111-4 du code de la santé publique prévoit que :
« Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite […].

Un arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les catégories d’établissements et organismes concernés.

De plus, tout élève ou étudiant d’un établissement préparant à l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé, qui est soumis à l’obligation d’effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies mentionnées à l’alinéa premier du présent article. / […] ».

Ainsi, cela concerne les professionnels exerçant dans des établissements de prévention et de soins ; des établissements de sanitaires et sociaux et des hébergements de personnes âgées.

En application des dispositions d’un arrêté du 6 mars 2007, doivent avoir été obligatoirement vaccinés pour l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite les élèves et étudiants aspirant aux professions suivantes : professions médicales et pharmaceutiques (Médecin. Chirurgien-dentiste. Pharmacien. Sage-femme) et autres professions de santé (Infirmier. Infirmier spécialisé. Masseur-kinésithérapeute. Pédicure podologue. Manipulateur d’électroradiologie médicale. Aide-soignant. Auxiliaire de puériculture. Ambulancier. Technicien en analyses biomédicales. Assistant dentaire).

NB.1 : Certaines vaccinations obligatoires pour les professionnels du secteur sanitaire sont actuellement suspendues : l’obligation vaccinale contre la grippe a été suspendue par l’article 1er du décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006 et l’obligation vaccinale contre la fièvre typhoïde a été suspendu à compter du 1er mars 2020 par l’article 1er du décret n° 2020-28 du 14 janvier 2020.

NB.2 : seuls les ministres chargés de la santé et du travail peuvent déterminer les catégories d’établissement et organismes concernés par l’obligation vaccinale (Le Conseil d’État a jugé, par exemple, que le ministre de la Défense n’était pas compétent pour le faire à l’égard des établissements de prévention et de soins relevant de son administration : CE, Ass., 3 mars 2004, Association Liberté, Information, Santé, no 222918).

Est-il juridiquement possible de rendre le vaccin contre la Covid-19 obligatoire ?
Oui, mais seule la loi pourrait donner à une vaccination un caractère obligatoire (CE, 15 novembre 1996, no 172806).

Une autorité administrative ou de direction (ministre, préfet, directeur d’hôpital ou de clinique…) ne peut donc pas décider d’imposer aux agents publics, salariés ou étudiants de se faire vacciner contre le SARS-CoV-2 (ni contre aucune autre pathologie non mentionnée par la loi).

Toutefois, il serait possible que le gouvernement décide de procéder par ordonnance (comme cela a été le cas pour l’article L. 3111-4 du Code de la Santé Publique). Un article inséré dans le code de la santé publique serait donc « légal » (toutefois, en cas de mesures prises par ordonnance rendant cette vaccination obligatoire pour les professionnels du secteur sanitaire, à défaut de loi de validation venant la ratifier, l’obligation vaccinale pourrait être remise en cause).

Comme pour toute législation relative à une vaccination obligatoire, une conciliation devra être faite entre l’impératif de santé publique et plusieurs droits et libertés individuels.

Toutefois, chaque salarié qui le souhaite doit pouvoir avoir accès à la vaccination.

Les conditions pour rendre un vaccin obligatoire
En droit français, le droit à la protection de la santé est constitutionnellement protégé (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946).

Le Conseil d’État a jugé que ce droit pouvait justifier la légalité de dispositions relatives à des vaccinations obligatoires, bien qu’elles aient pour effet de porter atteinte aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain et à la liberté de conscience, dès lors que l’obligation de vaccination était proportionnée à l’objectif constitutionnel de protection de la santé publique (CE, 26 novembre 2001, n°222741).

Le Conseil constitutionnel a quant à lui jugé, également à propos des vaccins obligatoires pour les enfants, qu’« il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; […] il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques » (CC, 2015-458 QPC, 20 mars 2015, Époux L.).

En justifiant la constitutionnalité de l’obligation vaccinale des mineurs par l’impératif de santé publique, sous réserve de potentielles évolutions scientifiques et médicales, il est très probable, en cas de mesure similaire prise en ce qui concerne le SARS-COV-2, que le même raisonnement soit retenu.

Le droit à la santé et au respect de l’intégrité du corps humain, dans la perspective où le vaccin ne serait pas sûr d’un point de vue médical, pourrait justifier que l’on s’oppose, le cas échéant, à une obligation légale d’en justifier, notamment pour exercer une profession de santé. Il faudrait alors pouvoir démontrer scientifiquement que le bilan bénéfice/risque est défavorable au choix d’imposer la vaccination obligatoire.

En conclusion 

Tant que le code de la santé publique n’a pas été modifié, aucune obligation vaccinale ne concerne le virus du SARS-COV-2 mais chaque salarié doit pouvoir se faire vacciner s’il le souhaite.

En l’état actuel du droit, aucune sanction ni aucun licenciement ne devrait donc pouvoir légalement être justifié par un refus de vaccination contre le SARS-COV-2, le principe de libre consentement aux soins étant garanti par la loi.

mardi 6 avril 2021

«Les travailleurs sociaux sont enfermés avec leur mal-être»

Article de Libération 

 Protection de l’enfance : «Les travailleurs sociaux sont enfermés avec leur mal-être»

 
Dans son livre «Enfants placés, il était une fois un naufrage», la journaliste Marie Vaton offre une plongée dans l’univers de l’Aide sociale à l’enfance et de ses dysfonctionnements, en donnant largement la parole aux professionnels débordés.
- par Elsa Maudet
publié le 5 avril 2021 à 10h40
 
Les faits sont connus, au moins dans les grandes lignes : la protection de l’enfance va mal. Régulièrement, des documentaires dénoncent des scandales dans des foyers d’hébergement pour mineurs, des articles alertent sur le piètre accompagnement des enfants et adolescents par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Marie Vaton, journaliste à l’Obs, a commencé à s’intéresser au sujet il y a quelques années. A chaque article publié, des travailleurs sociaux la contactaient, pour témoigner à leur tour de leur désarroi. Elle en a fait un livre : Enfants placés, il était une fois un naufrage (Flammarion), sorti en mars.

Au fil des pages, les exemples de dysfonctionnement s’amoncellent. Il y a les enquêtes bâclées parce que les éducateurs et assistantes sociales suivent trop de dossiers en même temps, cet impératif de désengorger les tribunaux qui pousse à éviter les placements sur décision judiciaire, les enfants maintenus au domicile familial faute d’effectifs pour traiter des informations préoccupantes… Avec des conséquences dramatiques, comme pour cette petite fille contrainte de continuer à vivre avec un père qui l’offre à un réseau pédophile, ces fillettes victimes d’agressions sexuelles par le fils de leur beau-père ou ces enfants transformés en esclaves par la famille dans laquelle ils ont été placés.

L’enchaînement de situations défaillantes donne la nausée mais révèle l’urgence à se porter au chevet de la protection de l’enfance. Et à écouter ses travailleurs.

Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
On parle toujours de la protection de l’enfance sous l’angle de la maltraitance dans les foyers, mais j’avais envie de savoir comment ça marchait – dans les départements, dans les familles d’accueil… Les travailleurs sociaux, on ne les entend jamais. Et en tant que journalistes, soit on se dit «c’est quoi ces gens ? Ils ne font pas leur boulot», comme dans l’affaire de la petite Marina, soit on fait des sujets un peu sensationnels sur les placements abusifs. Mais on m’a rapporté plus de cas d’enfants qui auraient dû être placés et pour lesquels on a réagi trop tard que l’inverse.
A lire les très nombreux exemples que vous donnez dans le livre, on a l’impression que tous les maillons de la chaîne de l’ASE sont dysfonctionnels. Elle crée plus de dégâts qu’autre chose ?
Ça ne crée pas plus de dégâts, parce qu’on a un système de protection de l’enfance. Il y a des pays où il n’y en a pas. Mais ça craque de partout. J’ai voulu essayer de traiter tous les aspects parce que les familles d’accueil disent que c’est de la faute des départements, les départements disent : «Ah bah oui mais c’est le gouvernement qui ne nous donne pas d’argent.» Si on va voir les foyers, on nous répond : «On n’est pas assez formés, on manque de main-d’œuvre.» L’ASE, c’est une énorme toile d’araignée. Et depuis la décentralisation, c’est hypercompliqué d’obtenir un système qui fonctionne.

Dans votre livre, la souffrance des travailleurs sociaux est criante…
Les travailleurs sociaux sont les véritables héros du livre, plus que les enfants. Ce sont eux qu’on veut entendre. Les enfants, leurs trajectoires, c’est toujours frappant, ça émeut toujours. Mais il faut essayer de comprendre le système.
Les travailleurs sociaux sont enfermés avec leur mal-être et leurs secrets. Quand ils sont en train de travailler sur une évaluation, ils savent que la situation peut déraper d’un jour à l’autre, qu’ils vont rentrer le vendredi soir chez eux, sauf que le week-end ils n’arrivent pas à dormir, à être présents pour leur famille, pour leurs enfants, parce qu’ils se demandent : «Est-ce que j’ai bien fait ? Est-ce que j’aurais dû alerter le juge ? Est-ce que j’attends encore trois jours, est-ce que le gamin ne risque pas d’être fracassé ou violé ?» En fait, ils vivent avec ça tout le temps, avec la peur de mal faire ou de ne pas avoir vu. D’ailleurs, il y a plein de problèmes de divorce chez ces travailleurs. On les voit un peu comme des personnalités désincarnées, mais ils ont leur vie.

Comme les profs quand on est enfant : on croit qu’ils ne sont que profs et c’est un choc de les croiser au supermarché…
Oui, sauf que les profs ça fait des années et des années qu’ils manifestent. Les travailleurs sociaux, ils sont dans notre paysage mais on ne sait pas qui ils sont, on ne connaît pas leur vie. C’est une espèce de truc un peu fantomatique.

D’où viennent ces problèmes ? Ce n’est pas une question financière.
Il y a 9 milliards d’euros pour la protection de l’enfance ! [8,3 milliards en 2018, selon la Drees, ndlr] C’est plus un problème de répartition de l’argent et d’inégalités territoriales. Ça coûte très cher : un placement, c’est 44 000 euros par an par enfant placé, donc le prix d’un collège d’élite. Pour que les trois-quarts se retrouvent à la rue à 18 ans.

Comment expliquez-vous que ces problèmes perdurent et qu’on ne s’en préoccupe pas davantage ?
Parce que ce sont les pauvres. La protection de l’enfance, c’est Outreau. C’est cracra, c’est la France d’en bas, la France qui va mal, l’alcoolisme, les toxicomanes… C’est la France des «cas soc’». Et la France des cas soc’, elle n’a pas beaucoup les honneurs des journalistes parisiens. Et puis les enfants ne votent pas, ils n’apportent rien à la société, ils finissent dans la rue avec leur chien, ils ne se font pas entendre, ils sont un peu illettrés… Ce n’est pas glamour. Mais ils sont partout : il y a 300 000 enfants qui ont des mesures de protection, 1,2 million de travailleurs sociaux [tous secteurs confondus, ndlr]. Ce n’est pas rien.

Vous citez une ex-assistante sociale qui a fini en burn-out et qui dit : «Nous sommes le dernier rempart humain avant la grande bascule, les garde-fous de la paix sociale. […] On va se retrouver avec des émeutes monstres comme aux Etats-Unis, et ce sera trop tard pour réagir.» Il est là le danger ?
C’est compliqué parce que ce n’est pas comme les soignants. Les soignants, s’ils arrêtent de bosser, c’est le chaos. Les conducteurs de bus et de métro aussi. Les travailleurs sociaux, s’ils arrêtent de travailler, les enfants crèvent, ils restent dans leur famille. On l’a bien vu pendant le dernier confinement, avec la hausse des signalements. Et il y en a plein qui disent : «Il n’a que moi, sa vie ce ne sont que des ruptures, donc si je pars en burn-out, je vais lui montrer que moi aussi je vais le lâcher.»

lundi 5 avril 2021

"Graulhet : les ES espèrent une prime covid"




Social, Coronavirus - Covid 19, Graulhet
Publié le 05/04/2021 à 05:07 , mis à jour à 10:37

De l’aveu même de Marie-Anne Nunez, la MECS (Maisons d’Enfants à Caractère Social) est un endroit où "il fait bon travailler". Le vent de colère vient d’une absence de prime. "Depuis un an, tout s’est compliqué avec la covid. Les situations complexes, ça nous connaît, nous sommes coriaces, on ne lâche rien, nous travaillons en équipes pluridisciplinaires, nous serrons les coudes et comme toujours, on avance", explique l’éducatrice spécialisée. Nous n’avons pas quitté nos postes, modifiés maintes fois nos emplois du temps pour assurer, contre vents et marées, la continuité de service."

Là où le bât blesse, c’est lorsqu’elle compare sa situation et celle de ses collègues avec ceux des départements voisins. "Lors du dernier Comité Social et Économique (CSE) de filière de notre association, j’apprends que mes collègues qui travaillent comme nous dans le secteur social, qui ont le même employeur que moi, qui assurent aussi la continuité de service comme nous depuis toujours, avec encore plus d’énergie et de fatigue accumulée depuis un an de covid, et bien, mes collègues qui ont la chance de travailler dans un autre département limitrophe, le Tarn-et-Garonne, l’Aude, la Haute-Garonne et je pourrai continuer la liste, ont eu, ou vont avoir une prime covid allant jusqu’à 1 000 euros dans certains départements".

Les éducateurs spécialisés espèrent obtenir une prime de ce type pour tout le temps passé dans des conditions difficiles à assurer le service "coûte que coûte" et trouver là une reconnaissance pour leur engagement total aux côtés de familles en difficulté.

"L’État a débloqué une enveloppe pour l’octroi d’une prime aux personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile. Le Département a mobilisé sa propre participation financière à hauteur de 588 000 € et 34 SAAD ont pu verser une prime à plus de 2 220 salariés" explique le conseil départemental qui souligne avoir voté 98 000 € pour le versement de primes aux 262 agents du Département qui exercent la fonction d’assistants familiaux, regrettant que l’État ait fait une distinction entre les professionnels relevant de la compétence de l’ARS et celles de compétence exclusive départementale.

samedi 3 avril 2021

Le gouvernement ne tire aucune leçon d’une année de crise sanitaire !

Communiqué de la CGT
 
Une situation sanitaire explosive, des contaminations qui s’accélèrent, particulièrement avec les variants du virus et qui touchent de plus en plus de personnes et de régions, une surmortalité constatée proportionnelle aux inégalités sociales ou territoriales et le président de la République s’auto-congratule dans son allocution télévisée.

Alors que la vie familiale, professionnelle et sociale de tous est mise entre parenthèses depuis plus d’un an, aucune annonce gouvernementale ne témoigne d’une prise de conscience des raisons objectives de ce troisième confinement nationale qui ne dit pas son nom. Pas un mot sur ce qui a conduit les hôpitaux publics et les services de santé en général à être au bord de l’implosion.

La CGT alerte, depuis des mois, sur les suppressions de moyens, en particulier les besoins en recrutement de personnels soignants formés, qualifiés et payés, la nécessaire ouverture de plus de lits particulièrement en réanimation, la réouverture d’établissements ou de services fermés.

Où sont les 14 000 lits promis par Emmanuel Macron ?

Pourquoi continue-t-il à fermer des hôpitaux ?

La réalité est sans appel, les déprogrammations de soins et d’actes chirurgicaux se multiplient et de nombreux patients atteints de maladies graves voient leur prise en charge retardée mettant en péril leur chance de guérison. Les personnels soignants sont épuisés, exposés et, souvent, tellement en sous-effectif qu’ils renoncent à protéger leur propre santé.

Le président de la République ose rappeler les applaudissements alors que les personnels attendent toujours une véritable reconnaissance salariale et un plan de recrutement de plus de 400 000 emplois dans la Santé, les Ehpad et l’aide à domicile.

Il en est de même pour les annonces concernant l’éducation nationale, pas un mot sur les suppressions de classe contre lesquelles les personnels se mobilisent en ce moment, les sections en sureffectif qui expliquent grandement les difficultés rencontrées pour exercer des missions de service public de qualité et pour protéger et faire respecter les consignes sanitaires de l’ensemble de la communauté éducative. C’est un plan d’urgence massif pour l’emploi dans l’éducation et les universités qui est plus que nécessaire !

Pas un mot en direction de la jeunesse sacrifiée qui souffre et peine à survivre avec des aides dérisoires. Au lieu de cela, les familles vont devoir gérer, du jour au lendemain, un nouveau calendrier de vacances scolaires. Elles risquent d’être confrontées à de multiples difficultés pour concilier la garde de leurs enfants et la poursuite de leur activité professionnelle.

Rien n’est prévu pour éviter que la majorité des parents en télétravail et particulièrement les femmes ne soient dans l’obligation de conjuguer cours à la maison, garde d’enfants et travail.

La CGT dénonce d’ailleurs le risque de dérives en matière de droit du travail rendu possible dans le cadre de la prolongation de la loi d’urgence (jours de congé imposés, remise en cause de la prise en charge en chômage partiel, etc.).

Le président de la République, dans sa poursuite d’une énumération indécente de ses bonnes actions et décisions politiques, tend à la provocation en parlant de la campagne de vaccination.

En effet, il est indiscutable aujourd’hui que l’insuffisance d’approvisionnement en vaccins trouve ses causes dans la casse de la recherche publique et de l’appareil productif du médicament. Les milliers de suppressions d’emplois à Sanofi en témoignent.

Pour sortir de cette crise sanitaire rapidement, une seule décision politique doit être prise. Il faut réellement faire des vaccins un bien humain mondial, libérer les brevets. Cela permettra de produire, en France et Europe, non seulement des flacons comme actuellement mais des doses de vaccins en suffisance, y compris pour l’ensemble des pays en attente. Rappelons que 130 pays, soit 2,5 milliards d’êtres humains, n’ont reçu aucune dose et que seuls 10 États ont utilisé à eux seuls 75% des doses disponibles.

Toutes les conditions sont réunies pour obtenir de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) cette possibilité prévue légalement et, pourtant, la France est un des pays à avoir voté contre la levée temporaire de la propriété intellectuelle demandée par l’Afrique du Sud et l’Inde.

À la fin de cette communication méprisante et éloignée des préoccupations des Français, Emmanuel Macron fixe une nouvelle échéance, un « bout du tunnel » hypothétique de réouverture des commerces et des lieux de culture, alors qu’il vient de décider d’en fermer encore plus pour 4 semaines.

Combien se relèveront ? Quels impacts sur les milliers d’emplois de salariés particulièrement des TPE ? Il n’en dit mot ! Pas un mot en direction du monde du travail, de ces salariés de « deuxième ligne » si essentiels à notre société.

C’est d’un plan de rupture qui rompt avec la gestion uniquement comptable des problèmes dont le pays a besoin pour sortir de la crise.

Pour la CGT, ce discours présidentiel et ceux qui vont suivre cet après-midi, notamment celui décliné par le Premier Ministre devant la représentation nationale, méritent que les travailleuses et les travailleurs se mobilisent pour exiger un véritable changement de cap.

Elle donne rendez-vous pour un printemps des luttes pour l’emploi, le renforcement des services publics, particulièrement de la santé et de l’éducation, le droit de toutes et tous d’être protégé et d’avoir accès à la vaccination