Les familles d'enfants souffrant de handicaps graves et les
professionnels s'alarment des menaces de fermeture qui planent sur les
institutions médico-sociales au nom d'une politique prétendument tournée
vers l'inclusion.
« Les arguments en faveur de l'inclusion des
enfants lourdement handicapés masquent en réalité un choix économique
visant à remplacer les établissements médico-sociaux par des
plate-formes désincarnées de services et de prestations » dénonce le
collectif d'Une Maison à l'Autre. Constitué de parents, de
professionnels et de chercheurs, il est né de l'Institut médico-éducatif
(IME) André Coudrier à Saint-Germain-les-Arpajon (Essonne). Début
février, il a lancé la pétition : « Urgence handicap : danger ! » (#),
rejoint par de nombreuses associations de tout le territoire et soutenu
par d'autres collectifs (Avenir Éducs, Inter-régionale des formateurs en
travail social (IR), etc...). Les pétitionnaires considèrent ces
établissements comme d'indispensables lieux de vie, de diagnostic,
d'éducation et de soins. Le collectif affirme que les professionnels
offrent à chaque enfant au quotidien les conditions d'une vie digne,
accompagnée et durable, en co-construction avec les familles. Christiane
Henry, qui en est membre, prend l'exemple de l'IME André Coudrier
adapté aux enfants lourdement handicapés. Il comprend un externat et un
internat séquentiel ; l'équipe accueille quarante-quatre enfants. Chacun
a sa chambre et vient quand il le souhaite. L'établissement mène un
véritable travail d'inclusion sociale ; chaque enfant fréquente l'école
ordinaire à temps partiel selon ses possibilités, ne serait-ce qu'une
heure.
Vive inquiétude
Voici déjà quatre ans que le
collectif s'inquiète des menaces qui planent sur les établissements
médico-sociaux et qu'il réfléchi avec le sociologue Michel Chauvière à
élaborer des arguments pour l'éviter. « Nous sommes très inquiets, nous
avons interpellé le Premier ministre, la ministre des Solidarités et de
la Santé et la secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées. Les
dossiers avancent très vite dans les agences régionales de santé. Les
nouvelles normes de gestion imposées (CPOM, Sérafin-PH) réduisent à des
actes tarifés leur éthique, leur clinique et la totalité de leur
accompagnement », déplore Christiane Henry.
Le collectif a écrit
aux ministres, secrétaire d'État et élus locaux pour leur proposer un
échange et une visite de l'IME, seuls les maires et sénateurs de
l'Essonne ont répondu présents et le soutiennent. « Côté gouvernement,
nous n'avons reçu que des lettres bateau ne donnant aucune réponse
concrète », dénonce Séverine Perez, mère de Pablo, 16 ans, polyhandicapé
et grand épileptique.
Si le collectif juge important de viser
l'inclusion scolaire de chaque enfant, il souligne que l'école n'est pas
adaptée à tous et notamment à ceux polyhandicapés. Chacun a besoin
d'une palette de propositions qui lui conviennent tout au long de sa vie
et droit au libre choix.
De son côté en février, via le rapport de
Catalina Devandas, l'ONU a engagé l'État français à une scolarisation
totale de tous les enfants accueillis en IME, estimant que ce placement
constitue « une forme courante de privation de libertés », « cette
accusation est inacceptable et injurieuse, bondit Séverine Perez. La
raporteuse se permet de juger un choix sans connaître la réalité de la
vie quotidienne de mes enfants. Pour la plupart d'entre-eux, passer cinq
heures par jour dans une classe de trente élèves constituerait une
maltraitance » et de s'interroger : « Qui peut croire que les familles
peuvent s'occuper de leur enfant 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 ? Cela va
engendrer de la précarité... car l'un des parents devra arrêter de
travailler..., de la fatigue et des risques de maltraitance. ».
Katia Raoult-Florenzi
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