Texte emprunté sur le site de Didier Dubasque Ecrire pour et sur le travail social
Il est un peu facile de considérer que les travailleurs sociaux sont formés pour « encaisser » une forte pression au travail
qui serait liée aux situations très dégradées qu’ils rencontrent. Leur
propre capacité de résilience ne peut suffire pour répondre aux
différents stress qu’ils subissent au quotidien.
Le terme de «résilience» est de plus en plus utilisé dans le travail social
pour faire référence d’abord à la capacité de la personne de se
reconstruire mais aussi à l’idée de la force « innée » du professionnel. Cette
force permettrait à chacun de se remettre de tout traumatisme ainsi que
de tout stress engendrés par le fait travailler avec des personnes en
difficulté. Cette résilience permettrait aux travailleurs sociaux de
développer toute une gamme de «stratégies d’adaptation» pour neutraliser
les effets négatifs de la relation de souffrance qu’ils accueillent et de leur conscience aigüe des inégalités sociales dont ils sont les témoins.
Enrayer le flux de travailleurs quittant la profession
Il faut pouvoir enrayer le nombre de travailleurs qui quittent leur poste voire leur profession. Les
services sociaux sont en effet confrontés à des problèmes persistants
de recrutement et de maintien en poste. On parle du manque
d’attractivité des métiers et du besoin de reconnaissance qui ne peut
être que symbolique (il faut aussi des rémunérations à la hauteur des
responsabilités). Il est nécessaire de ralentir le rythme de
l’épuisement professionnel – estimé actuellement à sept ans en Grande
Bretagne et réduire l’augmentation du nombre de travailleurs sociaux en situation de burn out.
Le
stress et l’épuisement professionnel ne sont pas surprenants compte
tenu de la nature des problèmes auxquels les travailleurs sociaux sont
quotidiennement confrontés : abus d’enfants et de personnes
âgées, violences intrafamiliales, angoisses liées aux expulsions, à la
perte d’emploi, dépressions, maladie mentale et pauvreté, pour n’en
citer que quelques-uns. Ces problèmes
font partie de leur quotidien. C’est leur job direz-vous. Certes mais
ils sont aussi confrontés à un système trop bureaucratisé, aux
réductions budgétaireset à la condamnation régulière de la part des
médias (notamment lorsqu’ils travaillent à l’aide sociale à l’enfance),
et de la société en général qui considère que les travailleurs sociaux
aident ceux qui ne le méritent pas. Tout cela affaiblit la profession.
La résilience est utile mais ne peut pas tout
La résilience semble être devenue une sorte de panacée pour le travail social. En Angleterre, l‘organisme de réglementation de la profession, le Conseil des professions de la santé et des soins (HCPC), stipule que la résilience est un élément que les praticiens doivent développer pour être considérés comme «apte à exercer».
Le
fait de se concentrer sur les faiblesses potentielles d’un travailleur
social pour ensuite lui permettre de développer sa résilience ne
contribuera en rien à résoudre les problèmes structurels qui ont une incidence sur la vie des praticiens et des utilisateurs de services. Des
facteurs tels que la pauvreté, la réduction des moyens notamment
affectés à la santé mentale, le « saucissonnage » des systèmes d’aide
et le manque de solutions de logement abordables ou adéquates à long
terme sont des problèmes majeurs qui ont un effet corrosif sur la
résilience des professionnels qui s’efforcent de promouvoir le
changement. Il leur faut aussi un soutien adéquat que l’on trouve de
moins en moins notamment lorsque le management est défaillant.
La
perception de la résilience à la fois comme un trait professionnel
indispensable à la pratique du travail social en tant que méthode de
travail avec ceux qui ont besoin d’aide est troublante nous expliquent Anastasia Maksymiuk and Andy Whiteford. Elle fait du tort à ceux qui ne peuvent pas faire preuve d’une telle robustesse au quotidien. La
dure réalité de travailler et de vivre dans une culture de la
culpabilité individuelle est pour beaucoup implacable et impitoyable.
Ces deux auteurs concluent leur article en précisant que ceux qui sont incapables de faire preuve de résilience risquent d’être réduits au silence. « Leur
silence pourrait amoindrir la capacité de la société à remettre en
cause le statu quo, les individus cherchant uniquement à tirer parti de
leurs ressources internes plutôt que collectivement à tenter de résoudre
les problèmes politiques, structurels et économiques ».
Aujourd’hui, les travailleurs sociaux sont toujours dans le risque de se trouver dans un état d’anxiété élevé,
cela pourrait s’aggraver notamment s’il leur est demandé d’accepter
leur sort et de considérer qu’ils ne sont pas suffisamment résilients.
Il leur faut un management humain et compréhensif structuré sur des
valeurs et des compétences spécifiques issus de la connaissance des
pratiques professionnelles. Malheuresement, il sembe que cela fasse
défaut dans de trop nombreux services.
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