Pour celles et ceux qui en douteraient, la journaliste Pascale-Dominique Russo sort un livre implacable sur la dérive managériale du secteur qui n'a de "social" que le nom (dont l'emblétique groupe SOS et son patron macroniste auquel on consacrait un article en 2017)...
A lire et à faire lire !
Pour se donner un aperçu, un article de La Croix :
Alerte sur la souffrance au travail dans l’économie sociale et solidaire
Dans le livre Souffrance en milieu engagé (1), la journaliste Pascale-Dominique Russo scrute les conditions de travail chez Emmaüs, France Terre d’asile, la Macif ou encore au sein du groupe SOS. Et fait le lien avec les transformations économiques vécues par le secteur.(1) Souffrance en milieu engagé, de Pascale Dominique Russo, Editions du Faubourg, 177 p., 18 €Sur le papier, l’économie sociale et solidaire, qui regroupe plus de 200 000 associations, mutuelles, coopératives ou encore fondations, est un secteur à part, préservé des vicissitudes de l’économie de marché par trois piliers de valeurs historiques : dans l’ESS, on ne recherche pas le profit, on réinvestit les résultats et on dirige selon le principe un homme, une voix.Mais comment le vivent les salariés qui y travaillent au quotidien ? Pas toujours très bien, si l’on en croit Pascale-Dominique Russo, qui a mené l’enquête dans un petit nombre de structures comme les associations Emmaüs et France Terre d’asile, le groupe SOS, les mutuelles Chorum ou la Macif. Une enquête dont le résultat nourrit le livre Souffrance en milieu engagé, publié le 20 février.Travail éreintant, placardisations, abus de pouvoir
Après avoir écrit pendant vingt ans sur l’ESS en tant que journaliste, Pascale-Dominique Russo a rédigé pendant huit ans une lettre sur la santé au travail au sein de la mutuelle Chorum, où elle a été témoin de situations qui l’ont poussée à enquêter. Son livre met en lumière de nombreuses situations délétères, où « on observe un réel écart entre la bienveillance supposée de l’univers associatif et mutualiste et la réalité des témoignages ».À SOS, il est dit que le « petit cercle aux manettes » autour du patron fondateur Jean-Marc Borello impose un « rythme de travail éreintant ». À Emmaüs Solidarités, l’arrivée en 2007 d’un nouveau directeur général, aujourd’hui remercié, se solde par des « placardisations tout à fait inappropriées ». Les tensions finissent par déboucher, en 2010 sur une grève, inhabituelle dans la structure. À France Terre d’asile, il est question « des abus de pouvoir » du directeur général Pierre Henry, d’un « livre noir sur ses agissements », ainsi que d’un procès aux prud’hommes, perdu par l’association en 2017, pour harcèlement moral. À Chorum, une secrétaire, partie en 2013, se fait traiter de « conne » par sa directrice générale. À la Macif, les salariés apprennent par le Canard Enchaîné qu’Alain Montharant, président jusqu’en 2019, a bénéficié d’une augmentation de 160 000 à 260 000 € entre 2018 et 2019.L’auteur livre surtout une analyse intéressante sur le contexte de transformation dans lequel ces pratiques interviennent. Côté mutuelles, on doit « se hâter de se regrouper pour ne pas disparaître face à la concurrence féroce des assurances » et pour s’adapter à ces « entités gigantesques », se réorganiser sans cesse, comme l’auteur le détaille, à la Macif. Côté associatif, on passe d’un schéma où la subvention prime à un modèle où « la commande publique s’impose peu à peu comme le mode de financement majeur à travers la procédure d’appels d’offres ». De partenaires, les associations deviennent peu à peu sous-traitantes des pouvoirs publics. Avec des conséquences en termes de liberté d’action mais aussi d’abaissement des coûts.Pression sur le travail
Cette évolution, qui favorise les associations d’une certaine taille, les conduit à grandir encore. France Terre d’asile passe d’une cinquantaine de collaborateurs en 1990 à plus de 1 000 aujourd’hui. Et le rythme du travail s’accélère. Dans les lieux d’accueil des demandeurs d’asile (Pada ou Spada), « en moyenne un salarié doit recevoir 300 à 400 personnes par jour », affirme le livre. À Emmaüs Solidarités, « les créations des centres d’accueil et d’urgence se sont multipliées, l’emploi s’est davantage précarisé et les conditions de travail se sont durcies ». Résultat : « Un sous-effectif structurel », selon une ex-salariée, qui cite dans certains centres un ratio de 1 travailleur social pour 40 personnes aujourd’hui, contre 1 pour 25 en 2014.Mais c’est le groupe SOS qui est le grand gagnant de cette nouvelle configuration. En trois ans, le nombre de collaborateurs passe de 2 200 à 2009 à 10 000 en 2012. Avec une politique de rachat de structures menée tambour battant, quitte à déformer les « valeurs initiales et toute la créativité », comme le déplore une directrice d’une association rachetée.Ces transformations accroissent le « désordre managérial » qu’on rencontre dans un certain nombre d’associations. Quand la qualité du travail s’en ressent, le « grand écart entre le discours et les actes » est plus d’autant plus douloureux chez des salariés qui se vivent comme engagés pour une cause. Quitte à parfois accepter ici, dans une sorte de « servitude volontaire », des conditions de travail ce qu’ils n’auraient pas accepté ailleurs.
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