samedi 20 avril 2024

« Les Ehpad les plus vulnérables sont ceux du secteur privé à but non lucratif »

Président de la Fondation partage et vie, Dominique Coudreau alerte sur la situation économique actuelle des Ehpad, qui se dégrade d’année en année. Selon lui, le secteur privé à but non lucratif est le plus vulnérable face à l’inflation par rapport au secteur commercial et au secteur public.

Les Ehpad sont indispensables à la prise en charge de la perte d’autonomie liée au grand âge. Ils accueillent en France 10 % des plus de 85 ans. Ces personnes, dont le nombre est appelé à croître, n’ont, dans la plupart des cas, aucune solution véritable de remplacement.

Le monde des Ehpad est mal connu, tant des pouvoirs publics que de l’opinion, dans sa diversité comme dans son quotidien. Les quelque 7 000 établissements, qu’ils soient publics, privés commerciaux ou privés non lucratifs, accueillent pourtant 550 000 résidents : toutes les familles françaises ou presque y ont un parent. La majorité des communes de plus de 2 000 habitants ont un Ehpad sur leur territoire. Les Ehpad sont donc nécessaires, mais leur situation, notamment économique, s’est profondément dégradée dans la période récente.

L’affaire Orpea a suscité une indignation générale. Le gouvernement a lancé une campagne de contrôles systématiques sur tous les Ehpad quel que soit leur modèle économique, laissant planer dans l’opinion une suspicion globale sur le secteur et sans rendre compte des conclusions résultant de ces contrôles.

Vus de loin, les Ehpad font peur
Dans l’opinion, il existe un fort décalage entre l’opinion générale et celle des familles dont un membre réside en Ehpad : fin 2022, une enquête du Crédoc soulignait que les Français considéraient les Ehpad comme l’institution où des faits de maltraitance avaient la plus grande probabilité de se manifester. Dans le même temps, les enquêtes de satisfaction effectuées chaque année dans les établissements, auprès des résidents et de leurs familles, montrent des taux de satisfaction supérieurs à 90 % sur leurs conditions d’accompagnement et de vie. En réalité, les Ehpad comme la vieillesse, vus de loin, font peur. Plus on s’en rapproche, plus la qualité de l’accompagnement et la richesse d’une vie apaisée prennent le dessus.

La situation économique de tous les Ehpad se dégrade, mais les conséquences diffèrent suivant leur statut. Toutes les organisations professionnelles soulignent qu’une grande majorité (les deux tiers dans le secteur public ou non lucratif, la moitié dans le secteur privé commercial) aurait des résultats déficitaires pour l’exercice 2023. Au demeurant, le gouvernement avait anticipé, de façon insuffisante, ces difficultés dès la mi-2023 en créant un fonds d’urgence exceptionnel doté de 100 millions d’euros. Mais dans un contexte aussi difficile, les Ehpad du secteur à but non lucratif sont beaucoup plus vulnérables.

Des Ehpad plus ou moins vulnérables
Chacune des grandes catégories d’Ehpad fonctionne, de fait, dans un système d’allocations de ressources aux effets différents sur leur viabilité économique. Les Ehpad publics communaux ou hospitaliers, soit un peu plus de 50 % du total, ne subissent pas directement les conséquences de leurs déficits comptables : ceux-ci sont en pratique pris en charge par leur entité de rattachement, commune ou hôpital public. Les Ehpad du secteur commercial peuvent sélectionner leur clientèle. Ils disposent à la fois d’une plus grande liberté dans la fixation de leurs tarifs d’hébergement, ainsi que de mécanismes réglementaires d’indexation des tarifs plus favorables.

Au total les plus vulnérables des Ehpad sont ceux du secteur privé à but non lucratif. Ils représentent environ 30 % de leur nombre total en France. Dans cette catégorie, ceux de la Fondation partage et vie, reconnue d’utilité publique, constituent, avec près d’une petite centaine d’Ehpad et une trentaine d’autres structures ou services, un groupe déjà important. Ils prennent également place parmi ceux qui de longue date ont souhaité être les bons élèves du métier, en cherchant à proposer un accompagnement de qualité tout en restant accessibles aux plus vulnérables (70 % des places d’Ehpad de cette fondation peuvent accueillir des personnes bénéficiaires de l’aide sociale).

Retour à un résultat bénéficiaire
Dans son rapport au Sénat de février 2022, la Cour des comptes, pourtant habituellement peu portée au compliment, souligne les bénéfices d’une politique de groupe sur la qualité de la gestion. Pour autant, avec près de 130 établissements et services, et 450 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2023, la Fondation partage et vie rencontre de réelles difficultés.

Depuis dix-huit mois, ses résultats sur les Ehpad, son cœur de métier, sont devenus déficitaires, alors qu’ils étaient équilibrés malgré les effets de la crise du Covid. Au surplus, l’équation économique actuelle est particulièrement difficile à résoudre car, en termes d’activité, la fondation est déjà proche de l’optimum : en 2023, le taux d’occupation cumulé de ses établissements et services s’est établi à 97 %, l’un des meilleurs de la profession.

Confrontée à cette situation, la Fondation partage et vie a engagé, pour 2024 et les années suivantes, un plan ambitieux de retour à un résultat bénéficiaire. Il ne s’agit pas pour elle de rémunérer des actionnaires, mais de se donner en permanence les moyens d’améliorer la qualité du service rendu aux personnes qu’elle prend en soins et de mieux valoriser les professionnels engagés dans des missions d’une pleine humanité, mais aussi d’une grande exigence.

Divers obstacles
La réalisation de ce plan rencontre divers obstacles. Les difficultés de recrutement de personnel sont le principal. Le décalage persistant entre les taux d’évolution des tarifs d’hébergement et celle du coût de la vie, porté par une inflation véloce, en est une autre. Enfin, reste encore celle liée à la multiplicité des interlocuteurs, État, agences régionales de santé et conseils départementaux et de leurs pratiques, en matière gouvernance ou de politique tarifaire. À titre d’exemple, la fondation gère des Ehpad dans 43 départements et chacun d’entre eux a pour les tarifs d’hébergement des montants et des taux de progression différents.

Les pouvoirs publics connaissent ces difficultés mais leur capacité réelle à dégager des solutions n’est pas claire pour les acteurs. Qui plus est, dans l’enchevêtrement inextricable des compétences entre État, départements et communes, leur progression est lente : on nous pardonnera de craindre que pour les Ehpad, l’année 2024 puisse être aussi celle de la punition des Ehpad du secteur à but non lucratif, les plus vulnérables.

Dominique Coudreau

mercredi 3 avril 2024

Préparation du 4 avril dans les Hautes-Pyrénées

 
La CGT et l’intersyndicale appellent à un rassemblement devant la permanence du député Benoît Mournet, ce jeudi 4 avril à 15 heures, dans le cadre de la journée de grève et de manifestation dans les secteurs du social, du médico-social et de la petite enfance.

"Une forte mobilisation, conséquence d’une colère profonde" est attendue par la CGT pour la journée intersyndicale de grève et de manifestation dans les secteurs du social, du médico-social et de la petite enfance ce jeudi 4 avril. En effet, ces secteurs ont été fragilisés par la crise sanitaire et confrontés à "de nombreuses démissions", au détriment des personnels en activité qui sont "usés physiquement et psychiquement".

"Alors que le bateau est en train de couler, le gouvernement essaie de mettre des rustines" ou "des pansements sur des jambes de bois dans un contexte de restriction drastique du budget de la sécurité sociale", déclare Wilfried Zapparoli, secrétaire général de l’USD Santé et action sociale CGT 65.

"Une reconnaissance salariale"
Les syndicats demandent "une reconnaissance salariale" pour tous les travailleurs qui n’ont pas bénéficié du Ségur de la santé. Dans la branche associative sanitaire et sociale, Guilaine Fauché, déléguée CGT à l’IME Château d’Urac, ne veut pas subir "le chantage" d’une négociation du Ségur dans le cadre d’une nouvelle convention collective unique qui nivelle vers le bas". "Nous demandons des salaires décents, alors qu’ils sont bloqués depuis 20 ans et que pour les plus bas, ils se situent en dessous du Smic, dans des métiers exercés à 90 % par des femmes".

"Pour rendre nos métiers et nos secteurs plus attractifs mais aussi fidéliser les salariés, il faut améliorer les conditions de travail et revaloriser les salaires. Nous avons l’impression que nos métiers sont devenus inutiles" souligne David Portola, délégué syndical central à l’ANRAS (Association nationale de recherche et d’action solidaire).

"On a voulu industrialiser le fonctionnement de la santé"
"Il y a une perte de sens au travail. On a voulu industrialiser le fonctionnement de la santé. Mais nous ne travaillons pas avec des boîtes de conserve. Ce sont des êtres humains" s’indigne Valérie Galaud, membre de la commission exécutive de la Fédération santé et action sociale.

"Ce sont surtout les usagers et la population qui pâtissent de ce manque de moyens, avec de plus en plus de jeunes qui sont sur liste d’attente des établissements médico-sociaux. Certains parents sont obligés de trouver des solutions en Belgique ou aux Pays-Bas pour leurs enfants en situation de handicap" explique Stéphane Balanche, secrétaire général CGT à l’ANRAS. L’intersyndicale appelle à un rassemblement devant la permanence du député Benoît Mournet, ce jeudi 4 avril à 15 heures.