Le conflit qui oppose dans la région de Toulouse, depuis 1993, des salariés de l'institut de rééducation du Naridel à leur direction a pris un tour nouveau. Un des membres du conseil d'administration de l'association loi 1901, avocat, se faisant rétribuer par l'établissement chaque fois qu'il a plaidé... contre un des salariés.
Toutes les associations de type 1901 n'ont apparemment pas le même «but non lucratif». L'Agop, l'association de gestion d'organismes privés, qui gère vingt et un établissements sociaux autour de Toulouse, a ainsi sa propre conception du bénévolat. Elle emploie et rétribue un des membres de son conseil d'administration, l'avocat Michel Sarramon, chaque fois qu'elle a à plaider contre un de ses salariés. Et les relations de travail sont suffisamment dégradées à l'institut de rééducation du Naridel à Lavaur dans le Tarn, pour que 40.000 francs du budget 1994 de l'Agop aient filé dans les caisses de son cabinet, la SCP Camille Sarramon et Vincenti.
Cette curiosité est la dernière trouvaille des éducateurs sociaux qui ont profité, les 8 et 9 décembre, de l'occupation par un groupe d'éducateurs des locaux de l'Agop, rue du Port Saint-Sauveur à Toulouse, pour ouvrir ses tiroirs.
Le conflit a démarré à Lavaur en 1993. Il oppose les 22 membres de l'équipe éducative à la direction du Naridel, en désaccord complet sur les projets pédagogiques de l'établissement. Depuis, le climat ne s'y est jamais vraiment amélioré. Il s'est même envenimé en juin dernier quand la direction a menacé de licencier sans plus attendre 14 des membres de cette équipe. Trois jours d'arrêt de travail s'en sont suivis au mois d'octobre, avec plainte pour «grève illicite» déposée au tribunal de grande instance. Le siège de l'association occupé en décembre Direction et salariés du Naridel n'ont, dès lors, jamais cessé de s'envoyer mutuellement les huissiers pour constater toute sorte de contraventions aux règlements ou au code du travail. Le 15 novembre, deux éducateurs étaient licenciés pour une «faute grave» diversement appréciée au Naridel. Une «grève illimitée» y était aussitôt décrétée «jusqu'à la réintégration» de ces salariés. Mouvement auquel la direction répondait du tac au tac par des «réquisitions de personnel».
Les visites d'huissiers et autres recours en référé s'accélérant de toutes parts, c'est finalement le siège de l'Agop à Toulouse, la «maison mère», qui était occupé les 8 et 9 décembre par un collectif d'éducateurs solidaires de leurs confrères de Lavaur. Avec la visite impertinente des dossiers que l'on sait. Une lettre du chef de la section «fiscalité et gestion des entreprises» du centre des impôts de Toulouse-Sud, datée du 30 septembre 1994, y a été, entre autres, découverte. Le directeur général de l'Agop, Serge Bouquié, s'y voit notamment demander de bien vouloir préciser que «la gestion et l'administration (de son association) sont totalement bénévoles». Ce à quoi le directeur général répond que oui, bien sûr, «la gestion et l'administration de nos activités sont totalement bénévoles». Les éducateurs toujours en grève à Noël Et tant pis si, dans une autre liasse de documents, est fait mention du chèque n$7.607.693 d'un montant de 11.860 francs versé au cabinet de maître Michel Sarramon. Ce n'est d'ailleurs pas le seul qui lui est adressé. Le chèque le plus récent date du 30 novembre 1994 en règlement d'une affaire qui a une nouvelle fois opposé en justice trois éducateurs à la direction du Naridel.
Le code des associations à but non lucratif mentionne pourtant bien que «la gratuité de la gestion implique que les administrateurs renoncent à toute forme de rémunération». Des «indemnités» peuvent toutefois être perçues dans quelques cas. Mais les dossiers de l'Agop ne parlent, eux, que d'«honoraires»... Cette pratique ne colle peut-être pas formellement aux textes en vigueur mais, après tout, pourquoi aller chercher ailleurs ce qu'on a sous la main? Et le conseil d'administration de l'Agop a dans ses rangs un fameux avocat. Il compte aussi un entrepreneur de bâtiment, un assureur, une décoratrice ou un architecte à la retraite. Ce n'est d'ailleurs pas cet architecte qui a décroché le marché de la «mise en conformité des locaux de l'annexe XXIV» pour un montant de 29.057 francs. C'est son fils, Michel Cellier.
Les enfants rééduqués au Naridel ont fêté Noël. Les éducateurs, eux, sont toujours en grève. Quant à Michel Sarramon, il refuse catégoriquement de s'exprimer sur le sujet: «Je vois où vous voulez en venir», dit-il pour tout commentaire.
samedi 31 décembre 1994
Le bénévolat «lucratif» d'un avocat d'une assocation toulousaine
Article de Libération, par Gilbert Laval - 30 décembre 1994 à 23:16
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