samedi 14 septembre 2019

A lire Beaucoup de travailleurs sociaux subissent une pression énorme. Ils ne peuvent pas compter uniquement sur leur résilience

Texte emprunté sur le site de Didier Dubasque Ecrire pour et sur le travail social

Il est un peu facile de considérer que les travailleurs sociaux sont formés pour « encaisser » une forte pression au travail qui serait liée  aux situations très dégradées qu’ils rencontrent. Leur propre capacité de résilience ne peut suffire pour répondre aux différents stress qu’ils subissent au quotidien.
Le terme  de «résilience» est de plus en plus utilisé dans le travail social pour faire référence d’abord à la capacité de la personne de se reconstruire mais aussi à l’idée de la force « innée » du professionnel. Cette force permettrait à chacun de se remettre de tout traumatisme ainsi que de tout stress engendrés par le fait travailler avec des personnes en difficulté. Cette résilience permettrait aux travailleurs sociaux de développer toute une gamme de «stratégies d’adaptation» pour neutraliser les effets négatifs de la relation de souffrance qu’ils accueillent et de leur conscience aigüe des inégalités sociales dont ils sont les témoins.

Enrayer le flux de travailleurs quittant la profession

Il faut pouvoir enrayer le nombre de travailleurs qui quittent leur poste voire leur profession. Les services sociaux sont en effet confrontés à des problèmes persistants de recrutement et de maintien en poste. On parle du manque d’attractivité des métiers et du besoin de reconnaissance qui ne peut être que symbolique (il faut aussi des rémunérations à la hauteur des responsabilités). Il est nécessaire de ralentir le rythme de l’épuisement professionnel – estimé actuellement à sept ans en Grande Bretagne et réduire l’augmentation du nombre de travailleurs sociaux en situation de burn out.
Le stress et l’épuisement professionnel ne sont pas surprenants compte tenu de la nature des problèmes auxquels les travailleurs sociaux sont quotidiennement confrontés : abus d’enfants et de personnes âgées, violences intrafamiliales,  angoisses liées aux expulsions, à la perte d’emploi, dépressions, maladie mentale et pauvreté, pour n’en citer que quelques-uns. Ces problèmes font partie de leur quotidien. C’est leur job direz-vous. Certes mais ils sont aussi confrontés  à un système trop bureaucratisé, aux réductions budgétaireset à la condamnation régulière de la part des médias (notamment lorsqu’ils travaillent à l’aide sociale à l’enfance), et de la société en général qui considère que les travailleurs sociaux aident ceux qui ne le méritent pas. Tout cela affaiblit  la profession.

La résilience est utile mais ne peut pas tout

La résilience semble être devenue une sorte de panacée pour le travail social. En Angleterre, l‘organisme de réglementation de la profession, le Conseil des professions de la santé et des soins (HCPC), stipule que la résilience est un élément que les praticiens doivent développer pour être considérés comme «apte à exercer».
Le fait de se concentrer sur les faiblesses potentielles d’un travailleur social pour ensuite lui permettre de développer sa  résilience ne contribuera en rien à résoudre les problèmes structurels qui ont une incidence sur la vie des praticiens et des utilisateurs de services. Des facteurs tels que la pauvreté, la réduction des moyens notamment affectés à la santé mentale, le « saucissonnage »  des systèmes d’aide et le manque de solutions de logement abordables ou adéquates à long terme sont des problèmes majeurs qui ont un effet corrosif sur la résilience des professionnels qui s’efforcent de promouvoir le changement. Il leur faut aussi un soutien adéquat que l’on trouve de moins en moins notamment lorsque le management est défaillant.
La perception de la résilience à la fois comme un trait professionnel indispensable à la pratique du travail social en tant que méthode de travail avec ceux qui ont besoin d’aide est troublante nous expliquent Anastasia Maksymiuk and Andy Whiteford. Elle fait du tort à ceux qui ne peuvent pas faire preuve d’une telle robustesse au quotidien. La dure réalité de travailler et de vivre dans une culture de la culpabilité individuelle est pour beaucoup implacable et impitoyable.
Ces deux auteurs concluent leur article en précisant que ceux qui sont incapables de faire preuve de résilience risquent d’être réduits au silence. « Leur silence pourrait amoindrir la capacité de la société à remettre en cause le statu quo, les individus cherchant uniquement à tirer parti de leurs ressources internes plutôt que collectivement à tenter de résoudre les problèmes politiques, structurels et économiques ».
Aujourd’hui, les travailleurs sociaux sont toujours  dans  le risque de se trouver dans un état d’anxiété élevé, cela pourrait s’aggraver notamment s’il leur est demandé d’accepter leur sort et de considérer qu’ils ne sont pas suffisamment résilients. Il leur faut un management humain et compréhensif structuré sur des valeurs et des compétences spécifiques issus de la connaissance des pratiques professionnelles. Malheuresement, il sembe que cela fasse défaut dans de trop nombreux  services.

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