mercredi 10 mars 2021

[Tribune] "Face aux faits de violences entre jeunes, privilégions l’action sociale, l’éducation et la médiation !"

Professionnels de l’éducation et du social, acteurs de la justice des mineurs, représentants du monde associatif... Plus de 110 signataires publient une tribune mercredi sur franceinfo.fr dans laquelle ils apportent leur analyse et proposent des actions afin de tenter d'éviter de nouveaux "drames terribles".

Lundi 22 février, une jeune fille de 14 ans est morte poignardée à Saint-Chéron, en Essonne. Le lendemain, un adolescent de 13 ans a été mortellement touché au cou à Boussy-Saint-Antoine, dans le même département. Dimanche 28 février, trois jeunes ont été blessés, dont deux par arme blanche, dans la cité Charles Schmidt de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. Lundi 8 mars, deux adolescents de 14 et 16 ans ont été blessés aussi à l'arme blanche à Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, et transportés en urgence absolue à l'hôpital...


Les rixes entre bandes rivales se sont multipliées depuis le début d'année. Face à ces phénomènes de violence entre jeunes, 115 signataires, citoyens, parents, professionnels de l’éducation et du social, acteurs de la justice des mineurs, enseignants, animateurs sociaux, médiateurs, représentants du monde associatif, publient mercredi 10 mars une tribune sur le site de franceinfo, appelant "à réfléchir ensemble aux solutions pour prévenir leurs renouvellements et tenter d’éviter des drames terribles".

Dans ce texte, ils pointent notamment "l’absence de dialogue avec la jeunesse et une prévention spécialisée absente ou en recul dans beaucoup de territoires de notre pays". Ils dénoncent un manque de moyens et des "politiques sécuritaires renforçant les mesures pénales et leur mise en œuvre, au détriment d’un travail de fond, en amont".

"Nous ne pouvons pas rester sans réagir et nous pouvons apporter nos analyses et propositions de solutions", expliquent les signataires, qui ont aussi lancé une pétition sur le site change.org, alors que le Premier ministre Jean Castex doit présider une réunion interministérielle vendredi sur le phénomène des affrontements entre bandes.



Face aux faits de violences entre jeunes, privilégions l’action sociale, l’éducation et la médiation !

Les rixes qui ont eu lieu ces dernières semaines nous choquent, nous attristent, car elles provoquent la mort d'adolescent.e.s, créent des situations de douleurs et de souffrances chez les jeunes, au sein de leurs familles, et dans leurs entourages. Passé le temps de la sidération, de l’incompréhension et de la colère, il nous faut réfléchir ensemble aux solutions pour prévenir leurs renouvellements et tenter d’éviter des drames terribles.

Car en tant que citoyens, parents, professionnels de l’éducation et du social, acteurs de la justice des mineurs, enseignants, animateurs sociaux, médiateurs, représentants du monde associatif, nous tenons à rappeler que l’on parle d’enfants et jeunes adultes pour qui notre société à un devoir d’éducation et de protection.

Premier constat, le phénomène des bandes existe depuis toujours ; même s’il ne constitue pas le quotidien de la justice des mineur.e.s et que des désaccords font jour entre ministère de la Justice et ministère de l’Intérieur sur son importance et notamment sur son augmentation. Depuis quelques années, il prend une forme nouvelle par le canal des réseaux sociaux et une importance plus grande du fait de sa médiatisation.

"Des jeunes en souffrance"

Les regroupements violents des adolescent.e.s et jeunes majeur.e.s viennent signifier aux adultes et aux institutions leurs difficultés à vivre dans certains de nos quartiers et de nos villes. Loin des propos hâtifs, sécuritaires et des "brèves de comptoir", échangés largement par des chroniqueurs et des politiques dans certains médias, nous disons que la plupart de ces jeunes, parfois en situation de délinquance, parfois violents, sont avant tout des jeunes en souffrance, en difficultés sociales, scolaires, personnelles.


Les trois rixes qui ont eu lieu dans le département de l’Essonne et Seine-Saint-Denis ces derniers jours, occasionnant décès et blessures graves, questionnent plus largement sur l’existence, l’insuffisance voire l’absence de moyens pour les services publics d’éducation et de protection de l’enfance, de prévention spécialisée et de médiation.


"Des réactions violentes désastreuses"

Comme ont pu le rappeler des médiateurs intervenant dans les quartiers, pour les jeunes, se regrouper en bande "c’est une façon de se protéger", face à un monde dangereux parfois relégué, où la confrontation sociale avec les pairs peut rapidement survenir, entraînant des réactions violentes désastreuses et dramatiques, souvent regrettées quelques instants après, mais hélas trop tard…


Aujourd’hui, dans beaucoup de quartiers, les jeunes peuvent être livrés à eux-mêmes. La plupart des services publics sont menacés et fonctionnent avec des moyens ne leurs permettant pas d’offrir un service de qualité à la population avec des horaires adaptés pour tous les âges, notamment les jeunes. Quant à la prévention spécialisée, celle-ci fait cruellement défaut sur certains territoires, ne disposant pas des moyens suffisants pour mettre en place des actions d'envergure à la hauteur des besoins et des enjeux.


Une action associative "de plus en plus fragile"

Le monde associatif est présent, de plus en plus investi, porteur d’idées novatrices. Mais si son intervention repose sur des bonnes volontés incontestables et une énergie notable de ses membres, elle ne saurait combler le vide, trop souvent constaté, laissé par la disparition des services publics. Le manque de locaux pour l’accueil des publics jeunes et la baisse des subventions vers ces associations rendent leur action de plus en plus fragile.


Ennui, désœuvrement, frustration, phénomènes d’errance : certains jeunes se créent des espaces qu’ils et elles investissent avec parfois des conséquences sociales et judiciaires qu’ils ne mesurent pas.


Face à une telle situation, il est plus qu’urgent de rompre avec les politiques sociales, éducatives, économiques en vigueur depuis ces trente dernières années. Cela passe par un réinvestissement public des espaces, notamment dans les territoires urbains et ruraux touchés par la désertification des services publics !


Des solutions par l'éducation, la prévention, la médiation

Pour cela, nous proposons que soient mis en débat et en action les propositions suivantes :

- mise en place d’une éducation à la non-violence en direction des enfants et des adultes avec l'ensemble des acteurs de l'éducation et de la protection de l'enfance, dans laquelle l'Éducation nationale devra avoir un rôle, majeur, à jouer ;


- renforcement des services de la prévention et de la protection de l’enfance ;


- renforcement de la place et du rôle des familles, loin des paroles et mesures stigmatisantes ;


- création de postes supplémentaires de médiateurs sociaux, bien formés, disponibles sur l’espace public et à des horaires adaptés ;


- soutien des associations locales en terme de moyens au regard de leur rôle essentiel et complémentaire dans les solidarités et la prévention quotidienne;


- développement d’une politique de soins à l’adresse de certains jeunes en grande souffrance psychologique notamment par la mise en place de services de pédopsychiatrie et de CMP en nombre suffisant et accessibles, permettant de détecter les difficultés le plus tôt possible, si besoin en lien avec les écoles et les associations, pour les prévenir le plus en amont ;


- accroissement de la place des adultes auprès des jeunes en établissant une politique où chacun peut par son action participer à la co-éducation, ceci afin d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard.


Ces mesures ou axes de réflexion ne peuvent avoir de sens que si l’on remet de manière substantielle les moyens vers l’éducation, la prévention spécialisée, la médiation et l’ensemble des services publics, notamment dans les départements les plus pauvres et sous dotés budgétairement.

Depuis trop longtemps, les politiques libérales ont déconstruit l’état social au profit de politiques sécuritaires renforçant les mesures pénales et leur mise en œuvre, au détriment d’un travail de fond, en amont. Aujourd’hui, il faut faire le choix de la prévention et de l’éducation.


La liste des signataires :


Françoise Dumont, présidente d'honneur de la Ligue des Droits de l'Homme

Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature

Estellia Araez, présidente du Syndicat des avocats de France (SAF)

Sonia Ollivier, co-secretaire nationale du Syndicat national des personnels de l’education et du social à la protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ-FSU)

Benoît Teste, secrétaire général de la FSU

Malik Salemkour, président de la Ligue des Droits de l'Homme

Marwan Mohammed, sociologue

Laurence De Cock, historienne, membre de la LDH

Rodrigo Arenas, co-président de la FCPE

Brice Castel, co-secrétaire général SNUASFP FSU

Carlos Lopez, éducateur à la PJJ, ancien co-secrétaire national du SNPES-PJJ-FSU

Yazid Kherfi, association Médiation nomade.

Carole Sulli, avocate, commission mineurs du SAF

Lakdar Kherfi, militant associatif

Laurence Roques, présidente de la Commission Libertés et Droits de l'Homme du CNB

Nathalie Andrieux Hennequin, co-secretaire générale SNUASFP FSU

Sophie Legrand, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, juge des enfants

Meriem Ghenim, avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis

Hélène Puertolas, co-Secrétaire générale SNUTER-FSU

Pascal Filleul, secrétaire départemental Inter 87-FSU

Nadir Kahia, président de Banlieue +

Belabbas Mehdy, militant associatif, éducateur PJJ

Nathalie James, co-secrétaire nationale SNPES-PJJ/FSU

Carla Dugault, co-présidente de la FCPE

Simon Duteil, co-délégué général Union syndicale Solidaires

Murielle Guilbert, co-déléguée générale Union syndicale Solidaires

Herve Hamon, magistrat honoraire, ancien président du tribunal pour enfants de Paris, membre de l'AFMJF

Anne Leclerc, éducatrice retraitée, ancienne secrétaire générale du SNPES-PJJ/FSU

Christophe Caron, éducateur PJJ, co-secrétaire national SNPES-PJJ/FSU.

Élisabeth Audouard, avocat

Claire Grover, présidente et bénévole de l'Association Bagagérue

Benoît Hubert, secrétaire général du SNEP-FSU

Pierre Lecorcher, secrétaire général adjoint CGT PJJ

Aurélie Trouvé, porte-parole d'ATTAC

Raphael Pradeau, porte-parole d'ATTAC

Alexandra Meynard, dirigeante confédérale en charge du service public

Yannick Apy, chargé de mission formation professionnelle

Philippe Piau, comédien, metteur en scène, membre du réseau des Dialogues en humanité

Fanny Salane, enseignante-chercheuse en sciences de l'éducation, Université Paris Nanterre

Christian Delorme, prêtre du diocèse de Lyon, ancien membre du Haut Conseil à l'Intégration, co-initiateur de la Marche pour l'égalité et contre le racisme de 1983

Malek Boukerchi, anthropologue du lien social, philoconteur, ultramarathonien de l'extrême

Pierre Ravinet, responsable associatif

Jean-Jacques Yvorel, éducateur, historien, chercheur associé au CESDIP.

Esther Tonna, membre de la CE de l'UFAS CGT

Sophie Herlin, membre de la CE de la Fédération des Services Publics CGT

Céline Verzeletti, responsable confédérale CGT

Christophe Daadouch, formateur

Christine Cayre

Marc Brzegowy, directeur honoraire Protection Judiciaire de la Jeunesse

Nicolas Beriot, citoyen

Jeanne Demoulin, maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, université Paris Nanterre

Éric Roulot, maire (PCF) de Limay.

Xavier Beaudoin, formateur spécialiste en pédagogies créatives, praticien-chercheur en économie circulaire, optimisation et mutualisation des usages.

France Doerler

Muriel Scibilia

Bertrand Baudez, facilitateur de relations humaines - Médiateur

Myriam Correcher, enseignante, visiteuse de prison (Fresnes)

Aïcha Naceh, directrice adjointe de centre de loisirs, travailleur social.

Murielle Maffessoli, directrice pour l'association Observatoire Régional de l'Intégration et de la Ville (ORIV)

Stéphane Danancier

Pavo, dessinateur de presse.

Pascal Marcault

Anne de Béthencourt, fondatrice de Reset the World, directrice du développement de la Heart Leadership University

François Besse, ancien détenu

Olivier Brito, maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris Nanterre

Lucille Rouet, secrétaire nationale du syndicat de la magistrature, juge des enfants

Kristel Lepeu, avocate

Florence Chopin, avocat

Céline Azema, vice-présidente du tribunal pour enfants de Toulouse

Anaïs Vrain, juge des enfants

Josiane Morel Faury, avocat

Michèle Zemor, professeur retraitée, ex-conseillère région Île-de-France, vice-présidente de l'association Plaine Commune, adjointe au maire de Saint-Denis

Juliette Beigelman, ancienne éducatrice PJJ, élève-avocate

Valerie Perret, avocate

Dominique Attias, avocate d'enfants, ancienne vice-bâtonnière du Barreau de Paris

Hervé Heurtebize, éducateur spécialisé, secrétaire national SNUTER-FSU

Catherine Delanoë Daoud, avocate, membre de l'Antenne des mineurs

Gaelle Chollet, assistante de service social SNUTER18-FSU

Rachida El Hajoui, adjointe au maire de la ville de Limay (jeunesse, insertion professionnelle et emploi)

Sandrine Fornara, conseillère en formation continue, GIP Formation tout au long de la Vie (Nancy) en charge de la professionnalisation des médiateurs sociaux en contrat adultes-relais du Grand-Est

Sébastien Carpentier, juge des enfants au tribunal judiciaire de Nanterre

Julie Maire,

Isabelle Roth, avocat au Barreau de PARIS

Johanne Sfaoui, avocate au Barreau de PARIS

Thierry Brigodiot, chef d'une petite entreprise

Dominique Gregori Gilbert,

Delphine Colin, secrétaire nationale UFSE CGT

Marie Buisson, secrétaire générale FERC CGT

Sophie Leonard, psychologue/musicothérapeute

Jacques Lecomte, docteur en psychologie, président d'honneur de l'Association française de psychologie positive, membre du mouvement convivialiste et du comité scientifique de la Fondation Nicolas Hulot.

Odile Barral, juge des enfants

Éric Roulot, maire de Limay

Samia Chiki, journaliste et militante associative

Nawel Oumer, avocate et médiatrice, antenne des mineurs du barreau de Paris

Judith Zaoui, avocat

Nancy Bragard, facilitatrice

Annie Lahmer, conseillère Régionale Ile de France

Samir Allel, sociologue

Béchir Saket Bouderbala, consultant en affaires publiques, porte-parole de L630

Pierre Serne, conseiller régional écologiste d'Ile-de-France, conseiller municipal de Montreuil (93)

Nour Durand-Raucher, conseiller de Paris délégué à la prévention, médiation, sûreté dans le 11e.

Jérome Casteran, co-secrétaire national du SNPES PJJ FSU

Jean-François Monino, président d’Aubermédiation, maire adjoint honoraire d’Aubervilliers

Khaled Benmohamed, adjoint au Maire de Vitry-sur-Seine

Jean Marc Soubeste, conseiller municipal et communautaire. La Rochelle

Vanina Padovani, avocate

Gérard Gilbert, retraité

Paul Devin, président de l'Institut de recherches de la FSU, secrétaire général du SNPI-FSU

Clémentine Autain, députée (La France insoumise) de Seine-Saint-Denis

Elsa Faucillon, députée (PCF) des Hauts-de-Seine

Rabah Bouchaib,

Éliane Assassi, sénatrice (PCF) de la Seine-Saint-Denis

Vito Fortunato, Co-secrétaire national du SNPES-PJJ/FSI

Nabila Keramane, cadre EELV, ex-consillère régionale 78

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