La négociation interprofessionnelle sur la santé au travail s’est conclue mercredi 9 décembre et un accord national interprofessionnel (ANI) est proposé à la signature des organisations syndicales à échéance du 8 janvier.
Une nouvelle dégradation des droits et moyens des travailleurs
Cette proposition d’accord offre au gouvernement l’occasion d’une
nouvelle dégradation des droits et moyens à la disposition des
travailleurs dans la préservation de leur santé au travail.
Après les ordonnances de 2017 qui faisaient disparaître les Comités
d’Hygiène, de Santé et de Conditions de Travail (CHSCT), les reculs
affirmés dans l’ANI télétravail sur la reconnaissance des Accidents du
Travail, nous avons maintenant sur les rails une réforme qui va
dédouaner les employeurs de leurs responsabilités.
Cette proposition d’accord vise uniquement à transférer les
responsabilités des employeurs, non seulement vers la médecine du
travail et les services associés mais aussi sur les travailleurs
eux-mêmes.
Le transfert des responsabilités vers les victimes
Au lieu de cela, Il y a une cohérence très forte entre les différentes
parties du texte. Il rappelle d’abord les jurisprudences qui sont
défavorables aux travailleurs concernant la responsabilité des
employeurs sur la protection de leur santé.
Le traitement individualisé de la désinsertion professionnelle est dans le même état d’esprit.
La logique se poursuit avec la création d’un passeport prévention,
attaché au salarié qui, du fait des formations qui lui ont été
octroyées, se verra responsable des conséquences de ses activités
professionnelles sûr lui-même comme sur autrui.
C’est inconcevable, cela permet de punir les salariés qui sont déjà dans
des situations difficiles. Par exemple, des salariés en conflit parce
qu’ils évoluent professionnellement dans de mauvaises conditions de
travail, seraient sanctionnables.
Tous les travailleurs qui n’ont pas la chance d’avoir de représentants
syndicaux ou d’institution de représentation ou certains droits (alerte)
vont aussi voir les prérogatives de leurs derniers soutiens, les
préventeurs des CARSAT (caisses d’assurance retraite et de la santé au
travail), affaiblies. Ces derniers avaient déjà vu leurs missions mises à
mal par la suppression leurs moyens de fonctionnement.
Un recul sur 30 ans d’acquis
Nous avons ici un projet qui va remettre en cause tout ce que les
salariés et leur syndicat ont pu obtenir en matière de protection et
d’indemnisation depuis la directive européenne de 1989 et les évolutions
des jurisprudences constitutives d’acquis issus de luttes sociales.
Les Risques psychosociaux (RPS) sont ainsi particulièrement sur la
sellette. Le patronat a réussi à installer des leviers qui lui
permettront de transférer les conséquences des organisations pathogènes
du travail vers les conditions de vie et habitudes de vie des salariés.
Le fait que les conséquences du mal travail, que le ministère du Travail
avait estimé à 4% du PIB, soit supportées par la Sécurité sociale et la
collectivité ne lui suffit pas.
Cet accord ne répond pas aux réalités vécues par les salariés
L’enjeu se situe autour du travail et de son impact sur la santé des travailleurs et sur la santé publique et environnementale.
Les maigres avancées que constituent la formation des représentants du personnel, les ébauches de traçabilité et les expressions de bonnes intentions ne peuvent justifier un compromis aux conséquences aussi dramatiques. D’autant plus que cet accord pourrait être la base d’une réforme engagée par le gouvernement comme l’ont affirmé les représentants patronaux.
Cette négociation est passée à côté de l’essentiel : la prévention primaire et une réelle possibilité pour les travailleurs d’agir sur l’organisation de leur travail pour qu’il ait du sens et une utilité. Le patronat s’obstine à refuser l’intervention des salariés dans l’organisation du travail alors qu’ils en sont les premiers experts.
Trop de salariés sont en souffrance pour de multiples raisons :
ils sont à la recherche d’un emploi (les demandeurs d’emploi sont particulièrement exposés aux risques psychosociaux) ;
leur précarité, leur statut ou absence de statut ne leur permettent pas d’agir sur leur travail ;
l’organisation du travail n’a pas de sens et les injonctions sont contradictoires.
La CGT a des propositions sur ces enjeux avec de nouveaux droits pour les salariés :
un droit de retrait mieux protégé ;
le
droit d’alerter les autorités et la population en cas de pratiques
dangereuses pour la santé de la population et pour l’environnement ;
le droit de stopper une réorganisation ou restructuration dangereuse pour la santé ;
le
droit d’être représenté syndicalement, y compris pour les salariés des
TPE et PME, au sein d’un Comité d’Hygiène de Santé et de Condition de
Travail (CHSCT) ; celui-ci gagnant aussi des compétences sur les impacts
environnementaux de l’activité de l’entreprise ;
les
Services de Santé au Travail et la médecine du travail doivent être
rattachés à la Sécurité sociale pour la mise en œuvre d’une grande
politique de santé au travail en toute indépendance ;
la
France est un mauvais élève de la santé au travail et il est urgent que
l’on ratifie les conventions de l’OIT qui concernent la santé au
travail.
Cette négociation est passée à côté de ces enjeux, à cause de l’obstination du patronat à se dégager de ses responsabilités de préservation de la santé et sécurité des travailleurs. Elle n’a pas permis la construction d’un accord qui réponde à l’urgence exprimée par les travailleurs.
Le combat pour la préservation de la santé des salariés a toujours été un combat essentiel pour la CGT qui considère que la santé des travailleurs ne peut être une variable d’ajustement.
Les organisations de la CGT vont être consultées en vue de la signature ou pas de cet accord. Elles jugeront si celui-ci constitue une véritable régression sociale et une réelle atteinte à la possibilité des travailleurs de se sentir protégés au travail.
Si c’est le cas, la CGT ne cautionnera pas un accord qui plongera un grand nombre de travailleurs dans des situations dramatiques.
Montreuil, le 10 décembre 2020
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